Conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail, c’est possible
La Cour de cassation valide, pour la première fois à la connaissance d’Actuel RH des éditions législatives, une rupture conventionnelle signée par un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail, dès lors qu’il n’y a eu ni fraude ni vice du consentement.
La Cour de cassation a admis la possibilité pour l’employeur de conclure une rupture conventionnelle homologuée avec des salariés se trouvant pourtant dans des situations jugées « délicates » ou pour lesquelles le législateur a mis en place un régime de protection du salarié très élevé. Ainsi, employeur et salarié peuvent se mettre d’accord sur le principe d’une rupture conventionnelle homologuée notamment dans un contexte de harcèlement moral (arrêt du 23 janvier 2019), pendant la suspension du contrat du salarié en raison d’un accident du travail (arrêt du 30 septembre 2014), après une déclaration d’aptitude avec réserves (arrêt du 28 mai 2014) ou encore lorsque la salariée est en congé maternité (arrêt du 25 mars 2015).
Mais la Cour de cassation a néanmoins toujours pris le soin de préciser que la validité de ces ruptures conventionnelles pouvait être remise en cause dans deux hypothèses : en cas de fraude à la loi et en cas de vice du consentement avérés, c’est-à-dire dès lors que le salarié en rapporte la preuve.
Restait encore un doute sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail (ou, a fortiori lorsque l’inaptitude est d’origine non-professionnelle).
En effet, la Cour de cassation n’avait jusqu’à présent pas encore eu l’occasion de se prononcer sur cette question.
On sait qu’elle l’excluait du temps de l’ancienne rupture amiable (arrêt du 12 février 2002). L’administration avait de son côté précisé, dans sa circulaire de juillet 2008 diffusée au moment de la création de la RCI (rupture conventionnelle individuelle), que les Direccte devaient vérifier si les ruptures conventionnelles soumises à leur contrôle ne s’inscrivaient pas dans une démarche visant à contourner la procédure de rupture d’un contrat de travail pour inaptitude médicale.
D’un autre côté, la Cour estimant que la rupture conventionnelle homologuée apporte une protection accrue au salarié (délai de rétractation, homologation de la Direccte, etc.), on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’elle finisse par appliquer sa jurisprudence « permissive » en cas de RCI signée avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail. C’est chose faite.
Pas de fraude, ni de vice de consentement
Dans cette affaire, jugée le 9 mai dernier, la salariée avait fini par demander la nullité de la rupture conventionnelle, conclue peu de temps après sa déclaration d’inaptitude, estimant que le fait, pour un employeur, de conclure une telle rupture avec un salarié déclaré inapte revenait à violer les règles protectrices applicables en la matière, notamment celle imposant à l’employeur de reclasser le salarié (article L.1226-10 du code du travail). La rupture avait ici, selon la plaignante, un « objet illicite ».
Mais ce fut peine perdue. La Cour de cassation, approuvant l’arrêt d’appel, estime que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail. Elle réaffirme donc ici ce qu’elle a déjà plusieurs fois rappelé, s’agissant d’autres salariés ayant conclu une rupture conventionnelle dans un contexte difficile ou bénéficiant d’une protection particulière. Et, rappelons-le, pour que l’existence d’une fraude aux dispositions légales ou d’un vice du consentement puisse être retenue par les juges, le salarié doit préalablement en rapporter la preuve, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.